Veille média internationale & droits d'auteurs en 2020

Alors que la directive européenne sur le Droit d’auteur doit être transposée dans tous les pays de l’Union européenne, Kantar fait le point sur la place de ces droits dans les métiers de veille média sur le plan international.
11 juin 2020
Christophe Dickès
Christophe
DICKES

Strategic Projects Manager / Global Copyright Director, Division Media

Quels droits pour la veille média internationale ?

Aujourd’hui, il n’existe pas d’institution internationale permettant à une société de veille de produire des panoramas de presse et à ses clients de les rediffuser en toute légalité. Les éditeurs s’adressent sur le plan national seulement, dans leur grande majorité, à des organismes de gestion collective afin de délivrer des licences et collecter en leur nom les redevances correspondantes : le CFC[1] en France, la NLA Media Access et la CLA au Royaume-Uni, le Cedro[2] en Espagne, etc.

Tous ces organismes de gestion collective existent afin de défendre les intérêts des éditeurs sur le marché de la veille média. A chaque fois qu’une société de veille met un article à disposition de son client, elle paie une redevance de droit d’auteur. Sur plusieurs marchés (Royaume-Uni, France, Espagne), si ce client rediffuse cet article au sein de son entreprise ou de son organisation, il se doit de payer une redevance supplémentaire.

Comment alors gérer les droits sur le plan international ?

Grâce à des accords de réciprocité entre ces organismes de gestion collective, les utilisations d’articles de presse ou du web à l’étranger sont possible. Concrètement, une société française qui utilise des contenus médias anglais ou espagnol n’a pas à prendre de licence au Royaume Uni ou en Espagne. Grâce aux accords de réciprocité, elle pourra déclarer au CFC, sur le territoire français, les contenus étrangers utilisés et c’est le CFC qui reversera les redevances à la NLA ou au Cedro.

Ce modèle de gestion internationale de droit est objectivement le plus simple et le plus efficace, pour tous les acteurs : éditeurs, prestataires, marques ou institutions et, organismes de gestion collective. La marque ou l’institution bénéficie d’un one stop shop, ce qui lui facilite la vie et assure aux éditeurs étrangers un revenu pour l’utilisation de leur contenu dans les panoramas de presse. Un tel système s’adapte aussi au marché et à son histoire : en effet, la valeur des droits et les usages varient d’un pays à l’autre.


Kantar travaille avec l’ensemble de ces « rights organisations » afin de garantir à ses clients une sécurité juridique maximum dans l’usage des médias.

Accords directs et accords exclusifs.

En revanche, les choses se compliquent quand l’éditeur souhaite des accords en direct avec les sociétés de veille et se dispense des organismes de gestion collective. Pour que de tels accords soient possibles, il est nécessaire de prendre en compte la réalité de chaque marché, notamment son environnement juridique. En Allemagne et en Suisse par exemple, l’utilisation de la presse étrangère relève d’un système de gestion collective obligatoire organisé par la loi qui s’impose aux éditeurs locaux comme étrangers.

Il existe enfin un dernier cas : dans deux pays (Canada et Pays-Bas), des éditeurs ont confié leur droit exclusivement à un seul prestataire de veille médias ou d’agrégations.

Or en réservant ainsi l’accès à l’information à un seul prestataire, l’éditeur peut créer une distorsion de concurrence. L’équité du marché assurée par les organismes de gestion collective n’existe pas ici. D’autant qu’un tel système pose à la fois des barrières administratives mais aussi techniques d’accès à l’information. Las, le client final ne souhaite pas toujours franchir de tels barrières et peut décider de se passer des contenus médias qui peuvent le concerner.

Le rôle des sociétés de veille dans un monde surinformé.

Un tel choix n’est pas sans risque pour l’éditeur dont la marque disparaît des panoramas de presse qui aident dans leur stratégie les communicants des entreprises et organisations. Or, les panoramas de presse n’ont pas pour vocation de se substituer aux éditeurs, d’autant que le marché de la veille média reste un marché de niche. Dans un monde de surinformation, marqué par les fakes news et les incertitudes, il est nécessaire que les entreprises ou les organisations s’adressent à des intermédiaires afin de trouver l’information, de l’analyser, de la comprendre et de la restituer. C’est ici le rôle des sociétés de veille média.

Sans accès à l’information, les prestataires de veille, marques et institutions perdent en qualité de service. D’où la nécessité de couvrir l’ensemble des médias. Ce principe d’exhaustivité, d’une certaine façon, a été reconnu dans une affaire juridique au tribunal de New-York. Dans l’affaire TV Eyes vs Fox news (2014), le juge Alvin Hellerstein a clairement déclaré que la surveillance des médias est un service digne d'intérêt, essentiel pour les démocraties et les libertés, car il est impossible pour une institution de surveiller toutes les informations par elle-même.

Les prestataires de veille sont donc un rouage essentiel des sociétés de l’information.

Kantar estime qu’il est nécessaire de faciliter l’accès à l’information, sans quoi nos clients perdront en qualité de service. Cela ne peut se faire qu’en dehors d’accords exclusifs qui peuvent créer une position dominante d’un acteur et, parfois, des abus. Quel que soit le pays où nous travaillons, comme cela s’est encore vu dernièrement en Italie, Kantar défend le droit d’auteur. Il s’agit pour nous d’une question éthique. Nous défendons aussi un marché équitable dans lequel l’ensemble des prestataires de veille sont sujets aux mêmes règles.


[1] Centre Français d'exploitation du droit de Copie

[2] Centro Español de Derechos Reprográficos