Veille média : ce que la crise nous enseigne

Le monde médiatique est aujourd’hui au centre d’un paradoxe : malgré les fortes audiences de la télévision et des sites d’informations , les investissements publicitaires ne cessent de dégringoler. Veille média, quels sont les trois enseignements et trois conseils pour une crise ?
06 avril 2020
Christophe Dickès
Christophe
DICKES

Strategic Projects Manager / Global Copyright Director, Division Media

Le monde médiatique est aujourd’hui au centre d’un paradoxe : malgré les fortes audiences de la télévision et des sites d’informations[1], les investissements publicitaires ne cessent de dégringoler. Il existe cependant une particularité pour les formats publicitaires numériques : ils sont moins touchés parce qu’ils « bénéficient d’une croissance organique liée à l’explosion du e-commerce »[2]. Néanmoins, la réalité est là. On s’attend d’ailleurs à une tendance identique sur la radio alors que la presse est, quant à elle, largement touchée par la crise. D’où la volonté de la député Aurore Bergé d’instaurer un dispositif transitoire de crédit d’impôt pour la publicité.

Dans un tel contexte, les marques médias se mobilisent et se réinventent (adaptation des contenus, création de newsletters spécifiques, médias live, concours, conseils pratiques, interactivités, etc.). Le digital a ainsi le vent-en poupe puisque Kantar a dévoilé dans un étude mondiale une hausse de 70% de la navigation sur le web. Ce dont bénéficie la presse avec un croissance des abonnements digitaux[3].

Mais quid des annonceurs, des marques et des institutions ? Comme l’a montré 
l’étude Kantar France sur le Covid19 suivie au cours d’un webinar par près de 3000 personnes vendredi dernier, les Français demandent aux marques de s’impliquer pour les aider au quotidien : « Il est donc nécessaire de communiquer, au risque de voir sa marque s’affaiblir » nous dit Pierre Gomy de la division Insights de Kantar.

La communication doit donc s’adapter à ce nouveau contexte. Dans l’écosystème médiatique et communicationnel, la veille et l’analyse média -qui permettent de mesurer l’impact médiatique- gardent ainsi toute leur raison d’être en aval d’une campagne. La crise du Covid19 accélère même trois tendances du marché de la veille média :

  • La plus évidente est celle de la communication de crise et de la veille en temps réel. Dans un contexte de crise, plusieurs marques et institutions travaillent elles-mêmes dans le cadre d’une communication de crise. Le Covid19 a souligné la nécessité pour les prestataires de veille d’être les plus réactifs voire les plus pro-actifs. Répondre rapidement aux besoins quotidiens du client final constitue un challenge alors que les méthodes de travail et les process des entreprises sont bouleversés par le travail à distance. Coller au temps réel de l’information, notamment télévisée ou radio, devient ainsi un basique de la veille media en temps de crise. La détection d’un risque média constitue aussi un élément indispensable de cette veille de crise.
  • La seconde est celle de la gestion des Fake news : il y a plusieurs mois, Kantar avait souligné l’impact des fake news sur les marques. Dans un contexte de crise, le risque de fake news ou de brand bashing est plus important qu’en temps normal, même si seuls 15% des Français s’informent via les réseaux sociaux dans ce contexte de crise (9% médias sociaux / personne que je connais + 6% influenceurs). En effet, pour un Français sur deux, le meilleur moyen de s’informer reste les médias nationaux. Ces 15% n’en restent pas moins importants, tant un signal faible peut parfois avoir des répercutions nationales.
  • La prise en compte de la veille sociale et le maintien des médias traditionnels : certes, comme on vient de le voir, les médias sociaux gardent leur importance avec une domination de Twitter. On voit aussi une accélération de nouveaux moyens de communications digitaux comme les podcasts natifs. Mais les Français sont surtout à la recherche d’une information dite « verticale », validée et reconnue par les professionnels et des experts de l’information. Dans un contexte de crise, on est surpris de voir ce regain d’intérêt pour les médias traditionnels qui, pour un Français sur deux, constituent une « source fiable et digne de confiance ». Au-dessus même de l’information gouvernementale qui, elle, est jugée fiable par un Français sur trois.En aval, la veille sociale se maintient donc et préserve son importance, mais la veille des médias traditionnels résiste et constitue un élément déterminant pour évaluer ses campagnes de communication.

A ces tendances, nous pouvons ajouter trois conseils dans cette période de crise :

  • Restez au contact ! Passées les premiers jours de la crise, nous commençons peu à peu à nous adapter à un nouvel environnement de travail ; or le maintien du contact avec les journalistes et les influenceurs est absolument essentiel dans le cadre de vos campagnes de communication. La crise est l’occasion de renouveler ce lien primordial pour votre activité professionnelle.
  • Redéfinissez votre périmètre de veille ! Votre communication change du fait de la crise ? Redéfinissez vos besoins en matière de veille et reconsidérez vos sujets et thématiques de veille. Précisez-les si nécessaires et adaptez-les. Conséquence de cette redéfinition : vos priorités ainsi que vos objectifs en matière de veille doivent eux-mêmes évoluer à court, moyen et plus long terme.
  • La crise bouleverse le timing de votre communication ? Revoyez aussi le calendrier de votre impact et bruit médiatiques. Le cabinet Mc Kinsey estime que l’économie des prochains mois est divisible en quatre temps : l’incertitude des débuts de la crise (Q1/Q2), l’urgence de la crise (Q2), une courte récession (Q3) puis le retour de la croissance (Q4). A vous d’adapter votre communication à ce timing. Anticiper vous donnera plus qu’une longueur d’avance.

 


 

 

[1]Les Français regardent la tv une heure de plus : 4h30 en moyenne vs 3h29 le 18 mars selon Médiamétrie.

[2]Mathilde Joris, « Les médias seront sérieusement impactés par la crise », Les clés de la presse, 31 mars 2020.

[3] Alexandre débouté, “Presse : le réseau résiste, les ventes en ligne grimpent », Le Figaro, 25 mars 2020.