Le marketing d'influence est-il en train de s'essouffler ?

Comment sortir de la « Branded Influenceur Fatigue » et redonner un nouvel élan au Marketing d’Influence ? L’image de ce nouveau media a été ternie par les mauvaises pratiques, entraînant la méfiance des consommateurs -et des annonceurs- à l'égard des influenceurs sur les réseaux sociaux.
18 juillet 2019
Marianne Tournery
Marianne
TOURNERY

Content Strategy Manager, Division Media

Un asset stratégique

L’essor du ad-blocking et la distance croissante à l’égard du discours des marques ont engendré une mutation majeure, avec l’avènement des réseaux sociaux : les consommateurs se sont de plus en plus tournés vers leurs « pairs » pour valider leurs choix de consommation. Les marques en ont pris acte et ont fait de plus en plus levier sur ces influenceurs pour augmenter leur visibilité, accroître leurs ventes et installer ainsi un modèle fructueux. Après s'être concentrés dans un premier temps sur les célébrités, puis les macro- influenceurs, les annonceurs se sont aperçus que les micro- influenceurs pouvaient s'avérer un asset stratégique.

Dans la foulée, les campagnes UGC (User Generated Content) se sont multipliées : la preuve "sociale" est devenue une preuve de confiance ; et plus elle est ressentie comme authentique, plus elle est favorable à la marque. Pour ces "blogueurs next door", les plateformes pouvaient même constituer un levier incontournable pour les propulser auprès de leurs communautés. Témoin, Lisa Gachet (249.000 abonnés), qui, après avoir démarré comme micro-influenceuse, a créé sa propre marque, Wear Limonade.

Les symptômes du « BIF »

Mais avec l’essor puis le bouillonnement du marketing d’influence ces dernières années, un certain nombre de dérives se sont installées. Le ressort de fonctionnement, la confiance, a été mis à mal. Plus avertis, plus exigeants, les consommateurs ont pris leur distance à l'égard des contenus émanant d'influenceurs. Et c’est sans compter les nombreux dérapages et la multiplication des partenariats payants qui ont entraîné la lassitude, voire un sentiment de saturation. Ce qu’on a appelé la « Branded Influencer Fatigue ». Certains influenceurs, en accumulant les collaborations, ont perdu leurs abonnés qui ne se reconnaissaient plus dans leurs valeurs, ou ont vu leurs taux d’engagement s’effondrer.

Une enquête du "New York Times" publiée il y a un an marquait un tournant, en pointant du doigt un marché parallèle de faux comptes, faux influenceurs et faux commentaires. Elle raconte par exemple comment une adolescente du Minnesota, Jessica Rychly, s'est vu usurper son identité par une fausse Jessica. Celle-ci faisait la promotion d'investissements immobiliers canadiens, d'une crypto - monnaie d'une station de radio au Ghana...et de sites pornographiques, en retweetant des comptes du nom de Squirtamania et Porno Dan. Tous ces comptes appartenaient aux clients d'une société américaine, Devumi, qui leur vendait des abonnés et des retweets pour gonfler artificiellement leurs profils.

Un nouvel élan

Face à ces dérives, on observe aujourd’hui une vraie réaction du marché : diffusion de chartes de bonnes pratiques, détection des fakes, gestion par les marques de l’ensemble de la panoplie d’influence (jusqu’au nano-influenceur), tendance générale du recentrage sur l’humain, autorégulation … En témoigne le nouveau Prix spécial « Influenceurs & Éthique » remis par l'ARPP, autorité de régulation professionnelle de la publicité.

L’étude « DIMENSION 2019 » de Kantar révèle l’importance croissante du bouche-à-oreille et des sources de recommandation pour le consommateur connecté, bien plus importante que le discours des marques. L’opinion des Français sur les marques est particulièrement influencée par les médias online, les UGC et les avis des autres consommateurs sur Internet. Selon le « trust index » DIMENSION*, les amis et la famille (72%*), les reviews (64%*) et le web hors sites de marques (64%*) sont les sources d’information qui leur inspirent le plus confiance. Pour porter un message de manière authentique, le marketing d’influence et les UGC s’offrent donc toujours une place de choix dans les dispositifs de marques.

L’enjeu est de retrouver de la crédibilité sur ce média de plus en plus populaire en prenant conscience d’une erreur commise à large échelle : considérer que l'influenceur est un canal marketing standard, alors qu'il est question avant tout d'humain, de relationnel et surtout de confiance.

A charge pour les marques d’agir en transparence, de miser sur les affinités et les valeurs dans leurs relations avec les influenceurs, en proposant au consommateur une expérience toujours plus qualitative.

Base : 5 000 consommateurs connectés. Source : DIMENSION. 

*L’indice de confiance de « DIMENSION 2019 » est calculé en fonction du nombre de consommateurs qui déclarent faire confiance à leurs sources d’informations sur les marques. Il est exprimé en pourcentage (i.e. 78 % des personnes qui consultent leurs amis et leur famille pour obtenir des informations sur des marques disent croire ce qu’on leur dit).